La France s’étonne, Les chevaux blancs et les taureaux noirs - Je mourrai entre deux De l’amour, Du chant des cigales, Des vieilles Cadillac Et des grandes routes… Tu n’as rien perdu Jim, Le monde s’est fait minuscule… Un homme traverse le désert et collecte les bijoux en argent pour les vendre au marché Il parle le français et son regard s’illumine de l’espoir de futurs voyages, L’alphabet inscrit sur la bague que tu enfiles doucement sur mon annulaire Est la promesse de la liberté que je convoite, en parlant le langage des signes… Le mistral se lève et rend les gens fous, Et moi, je me félicite de rester droite, face à ce vent qui me gifle pour chasser le rêve qui maintient mes paupières ouvertes, Je dors debout, Je marche en dormant, Et ma mère et mon père me prennent par la main avec douceur… Je dors, mais j’entends leurs paroles… Nous sommes sur le même bateau – disent-ils – Et le sol se dérobe, puis les voiles font trembler la projection… « Volubilis » - l’arène de « Torus… » Les pierres respirent ton essence, Et mon armure de cuir écorche mes fines omoplates, Je cours pour ne jamais revenir dans la ville, Je cours pour ne jamais revoir mes frères perdre la vue avant de mourir… La mer et l’œil du félin ne se rencontrent qu’une fois par an, Ce jour–là, je suis conçue pour courir… Tout au long de ma vie, Là où vont les panthères noires et les poissons argentés, Courir sur les bourrasques des vents, les crêtes, et les champs de blé, Virevolter, en foisonnant jusque dans les calanques, Et soulever les cheveux de la mère-fleuve, Dont les racines s’enfoncent dans les rochers, Je suis invisible et je me transforme en arbre inversé, J’écoute tes pas annoncer Mon heure de délivrance…
Les immortels
Quoi d’autre que le ciel qui coule Dans le sens du vent ?
Au-dessus de ton siège, mon Isis, Je me déforme comme l’espace… Si je pouvais me relier à toi, Dans le lointain, Où il n’y a aucune trace à suivre, Nul chemin à arpenter…
Il y a cet innombrable peuple de la Lune Dont je fais partie, La prêtresse sur le char doré, Guidée par le cheval d’eau, Jusque dans le noyau de l’être, Où l’ombre vient à ma rencontre, Me prends dans ses bras Et m’enveloppe, tel le vaisseau–sarcophage Pour la traversée des temps, La Nébuleuse, pourquoi exploses-tu ? Pourquoi déploies-tu tes ailes, Dont les pointes brûlent encore mes épaules, Me poussent à errer dans ces villes de pierre jaune ? La continuité est dans le souffle, Le dessin que je fais, de mère en fille, Dans l’insoutenable pesanteur d’un seul lieu, D’un seul corps éclaté, Est un œuf du chaos, la maison des dieux, D’où je tombe, la tête en avant, dans la terre, le sable, La vie éclose, Pour se détourner de moi-même… Quoi d’autre qu’ici ? Quoi d’autre que maintenant ? À prendre, ou à laisser… Le cœur se protège du vent de l’amour qui ravage, La caverne de la démesure Reflète la flamme du papillon Qui attire les feux errants dans ce bas monde… Ils flottent au-dessus de lui et suspendent leur brillance Pour l’instantanéité d’une image, La couronne de la femme du ciel, La nostalgie de son regard et mon air de rien La douceur de son sourire et ma douleur, Je suis fatiguée de résister à son appel… Je m’en vais par les routes des oiseaux sauvages… Rien ne sera comme avant, Avant, il n’y avait que le vent, Et nous n’étions pas immortels…
Éternelles fiançailles
Que se passe-t-il ? Le soleil est là, Tu l’aimes, tu l’aimes… Que se passe-t-il ? Le soleil dans tes pas… Que se passe-t-il ? Le désir est sans fin, Le fossile de matières Tourne, tourne comme le moulin à grain Et s’enfonce… Qui est là ? La silhouette d’espace, Dans le fond, qui observe ? Que se passe-t-il ? Pour sortir du chagrin Tu te brises, À entendre son éclat, Tu t’épuises… À passer dans ses mains, Tu t’enlises… Et soudain, un château dans le vent S’approche… Une voix dans le fond Te caresse… Si l’on creuse dans le temps Tu verras son visage… Moi, venue d’autres fronts, Descendue de son sarcophage Parée de l’ombre… Tout est là, tout est bon… La traversée des étoiles, Nous sommes la mémoire De ces vagues voyageurs Qui s’élancent dans les failles… Le trésor est présent, Le présent sans reproche, Le simulacre des détails… Nous sommes proches, Nous sommes proches D'éternelles fiançailles…
La photographe
Le vent pleure, Le vent implore, La photographe se réveille Dans l’angle de la chambre noire, Elle se lève et saisit cet espace Envahi par les feuilles d’automne… Le vent pleure, Le vent implore, Dans le sas de la première pensée… Tous, ils sont ressuscités là, À attendre son éclair, Le royaume et la suite du roi Au réveil de la grande dame… Elle ne connaît pas la mélancolie, Elle est la mélancolie de cœur de la Photographe… Elle se perd, Elle cherche la berge, Elle s’assied dans un terrain vague, Et attend la venue de la nuit… À l’horizon qui inonde ce brin de mémoire, Dans les eaux silencieuses Apparaît un vaisseau d’ivoire, Il est vide… Elle entre, puis se laisse guider Dans l’éblouissement, échouée dans le monde doré, Sa chair de charbon se rassemble en une seule sphère Qui survole les restes de l’Atlantide, L’eau s’en va… La reine est née, elle est forte ; Une autre reine est née avec elle, Elle est faible, elle meurt peu de temps après, Et laisse son corps roulé en boule… Pourquoi m’as-tu laissée ? Le meilleur de moi-même était en toi… Le terrain vague s’éclaircit, Une barque accoste, Une femme voilée d’une cape Enlace ma triste silhouette - Tu as fait le plus dur du chemin, Toi seule…
Étoile de David Bowie
Je reste allongée sur mon lit, Tandis que le ciel jette ses larmes Sur mes cils et sur mon ventre, Ma plaie cicatrisée se rouvre, Et tandis que l'étoile se déleste de son manteau noir, La femme-panthère marche sur la Lune, Mais tu n’es plus prisonnier de tes linges, Ton corps ne flotte plus, Il coagule dans la montagne des astres… Tu vas te dévêtir de ton masque, Tu vas laisser tomber tes menottes, Tes bracelets argentés de sphères hautes… Tu connais la réponse, Tu as appris les passages, Et maintenant, parti dans l’infime, Tu tisses ton étoile, voile après voile, Tu couvres ta lumière de l’impénétrable nuit, Garde, garde ta voix intérieure pour l’écho des messages, Car maintenant, tu n’as pas à baisser les yeux Devant ceux qui t’ont pris pour un autre, Et ceux qui t’ont fait flétrir, L’arbre que tu dessines de ta main est ton lit inversé, Et ta croix suspendue, La tête aux nuages, tu as pu devenir le mage, Tu as pu devenir le mariage De grâce et d’instantanéité… Quand le vent a soufflé Sur les pays entiers Et les stores ont donné des gifles à toutes les demeures, Le rêve s’est terminé, Et nous avons perdu la boussole… Agrippés à nos propres reflets, Nous avons laissé nos peaux d’écailles multicolores, Et partagé le secret, En buvant le mercure indolore… Le serpent s’est laissé terrasser, S’est laissé transformer en ton or… Quand on embrasse la mort, Tout le reste est un leurre… Et quand l'amour est venu, Tout le monde est à l’heure…
Portrait chinois
Tu t’es laissée mourir à ton secret, Tu as laissé mourir ton ombre, Et ta lumière flamboyer, s’étendre Jusqu'à la frontière de la nuit, Et me répondre à l’infini : Chuiii, Chuiii, Chuiii – Le portrait chinois se dissout, Dans les plis de mes draps, Joie, Joie, Joie… Le loup avance, pas à pas, Devant moi, et je fuis La mémoire de ma vie - Le spectacle qui ne tarde pas à s’effondrer, La tour de Babel déballe ses hélices et retourne ses bras d’escaliers en colimaçon, Qui se glissent sous mes pas, Vers l’astre du dessous, Et les mains rayonnantes, Les calices de la joie se posent sur moi, Pour l’amour d’Artémis, Pour la chasse aux plaisirs, Pour les flèches d’argent, Et l’arc doré du loisir… Je me lance à travers les bois, Où je me vois et je me repose en toi À travers les cieux, Dans le vent des métamorphoses Du portrait chinois… Chuiii, Chuiii, Chuiii – Dit le vent des métamorphoses, Tu verras, tu verras, Le dessous du portrait chinois…
Le prince…
J’aimerai t’embrasser, Mon beau prince, Toucher tes cheveux, Plonger dans tes yeux, Revivre la genèse de mon cœur, Sentir sa membrane se mettre en branle, Et le souffle du désir remplir mes poumons… J’aimerai caresser ta peau, mon beau prince du royaume inconnu, Appeler tes chevaux dans les prairies enneigées, Raser les chemins de fer, Parvenir à l’aube Dans le coin le plus reculé de ton âme… J’aimerai… t’aimer, Mon beau prince des brumes oubliées, Te faire hisser tes couleurs, Et compter tes marées… J’aimerai te rêver le jour, Et te voir la nuit, Près de moi, près de tout, Dans mon cœur, tout en haut de la tour de jade… Franchir mon ombre, si fade Et assoiffée d’amour, Et tomber, tomber, tomber, Tout au long de ton corps, Plus bas que la terre, Sur l’étoile du prince de la mer…
Sweet Angel, Sweet Angel
Le sucre coule de tes ailes Et les larmes brûlent dans tes yeux, Les amours flambent comme des brêles Il ne reste plus que ces lieux De passion dans le fauve–désert, Le feu de l’épave dans les cieux, Les vitraux sous les grêles Et l'amour dans la nuit de tous les maux… Le vin et le pain de l’oiseau Phénix À l’aube de mon être nouveau, Les cheveux coupés de l'impératrice, La fenêtre de la tour d’adieu… Je me laisse tomber dans la fosse commune Je ressors du tunnel des héros, L’histoire des pierres et des dalles, Où je retrouve mes cadeaux, Se faufile sous la terre d’étoile Qui noircit dans la pluie des crapauds… Paris, m’aimes-tu encore dans tes brèches, sous tes rails, Dans les fissures des tombeaux, Dans les flèches du métro et la flagrance des roseaux ? Le diadème de cuir est le nimbe d’une fillette qui m’appelle à sa grâce, Le regard d’un enfant est toujours gratifiant, comme la messe, et rassurant, comme l’extase, Le seul qui répond à l’appel de ce « raisonnable » cœur… À tout à l’heure, à toute allure, Les figures et les ombres défilent, La jupette de la jeune fille se gonfle Dans le vent qui transporte les paroles, Les chaussures s’éternisent Dans la bonne mémoire, L’escalier de minuit vers la cour Table Rase, C’est ici que l’on peut perdre la tête Par amour ou par inadvertance, Quand la Beauté ne fait pas allégeance, L’esprit nous sublime, La licorne soulève le voile de la Vierge Et boit son regard de baume Pour apaiser sa soif ultime d’enfance Et dormir dans la paix uniforme… Elle pose sa merveilleuse tête sur les genoux délicats Et rêve sa nouvelle vie de gloire, Tandis que la main la plus douce du monde Se pose sur sa corne d’abondance…
C’est bon, l’Amour…
C’est bon, c’est bon, Comme te serrer contre mon cœur, Gémir dans ton étreinte, Me fondre dans tes yeux… C’est bon l’amour C’est sans pudeur, Sans peur et sans contrainte, De jouir debout Dans la lueur et dans la boue, Devant les murs et les miroirs, Oser s’y voir, Se voir vieillir… Au fond du beau jardin Grimper les arbres comme des chemins, À ciel ouvert, Sauter du haut en bas Et se sentir à bout de bras…
C’est beau l’amour, c’est bon, c’est bon ! Je vois en toi la chambre sans décor, Sans meubles ni lit, Sans table ni tapis, Les seules fenêtres de l’esprit, Le grand esprit, Cheveux au vent, Qui m’offre la vie, Façonne mon corps…
C’est bon, l’amour, Se faire bénir… Jamais ne s’interrompre, Se dévêtir d’une honte, Se démentir, se discorrompre…
C’est bon l’amour, c’est bon, c’est pur… Dans l’art de fuir Tout un passé, un avenir, Et les reflets des êtres saisis Dans les filets de Moira…
Il faut danser et faire pâlir Tout autre souvenir, Toute autre présence à lire Entre les signes du désir… Et puis, se faire mourir À l’abandon de tous les jours…
Comme les enfants martyrs, Enfants des nuits perdues, Pour être en vie, pour être vus, Se faire aimer d’une foudre…
Je ne sais rien de l’amour
Je ne sais rien de l’amour Sur la montagne givrée Je ne sais rien de la vie Je ne sais rien de l’amour…
Que de vagues souvenirs De la pluie du printemps, Et l’odeur de la vie Dans les feuilles du jardin, La douceur du vent…
Je ne sais rien de l’amour, J’entends des rires dans l’oubli, Et la danse des cheveux d’or À la porte de la nuit…
Il sait ce qu’il fait, Je sais ce que je fuis… Je ne sais rien de la mort, Je ne sais rien de la vie…
Que l’histoire qui frémit Comme l’oiseau du grand nord Dans mon corps qui flétrit Dans l’espace infini… Je ne sais rien de mon sort, Je n’ai jamais pu choisir Que l’odeur du printemps Et l’orage de la vie… L’eau qui coule à flots Sur les stèles de vieilles pierres, Et les voix – pour amis Les murmures – pour les cris, À demain – pour adieu… La beauté – pour le père, Et la foi – pour la mère - Deux étoiles qui blêmissent À la vue de mon temps…
Je ne sais rien de l’amour, Je ne sais rien de l’abandon, Projetée dans le vent, Je suis l’arc-en-ciel…
Le chat noir de Paris
Un jour sur les toits, Invitée des nuages, Je suis comme le chat Qui observe la ville, Je cherche des images Au bout de ces tuiles, Je suis les courants Et je tombe dans les puits… Depuis l’autre monde Je vois les étoiles Je saute et j’attrape Mon oiseau dans la pluie… Il lâche aussitôt Mes vieux souvenirs Et je tombe en amour, Partie en fumée, Je répète les sermons Et les promesses non tenues, Et j’arrive au sommet Du château en Espagne, Et je rêve à nouveau Des Champs-Élysées, Le soleil me réchauffe Et la Lune me sourit, Quelle belle vue, Quelle belle vie ! Je chante à poil, De fenêtre en fenêtre, Je passe dans la nuit, Ne pleure pas, ne pleure pas… Il y aura d’autres bals, Tu as dormi comme un ange Dans ce lit, Et les ombres anonymes T’ont fait des misères, T’ont volé l’éclat de tes yeux Ce n’est rien, ce n’est rien ! Il y aura d’autres terres, Et il y aura d’autres cieux ! Ah, ce jour sur les toits De Paris au mois de mai, Je suis comme un chat Qui attrape sa boule d’or Et tombe dans la mer, Le berceau d’étincelles, Emporte mon trésor, Jusqu’aux dunes de l’Autre Mère Qui m’embrasse sur le front… De sa barque de lumière Me revient le visage d’autre temps, Que j’aimais comme on aime voler dans les airs Avant de mourir au printemps…
Ce qui sera, sera…
Dans le pays des morts Ce qui sera, sera… Dans le pays des vivants Ce qui subsiste, se révèle L’étincelle du nouveau soleil, Qui s’éclipse de la chambre de l’Amenti… Immobile, je me rêve aimée de toi, Possédée de ta force Et comblée de ton ardeur, L’homme-femme que je suis devenue, Attend ton baiser enfantin, Le Fou-Vagabond, où es-tu passé, Le génie à la main verte, Où t’es-tu perdu ? J’aimerai concevoir ton visage de toutes pièces, Mais il n’y a rien dans la chambre de l’Amenti… Le dormeur qui me rêve dans son lit Ouvre ses yeux de jade, Et je perds le dernier souvenir du monde… Le phénix a le visage du sage, Qui s’envole comme le sourire d’un vaste paysage Que je ne peux parcourir qu’à vol d’oiseau, Ma chair se dérobe et se délasse, Et mon magnifique squelette adamantin Scintille comme l’eau des mères, Rien ne peut le heurter, Il danse et sourit À toutes les histoires du passé… Et l’on s’incline, et l’on se tait, Devant son incroyable beauté et sa franchise… La douleur et le plaisir Ne se déroulent pas dans le même espace, Mais les deux sont un appel à l’amour… Pas de retour à la case départ, Je reste ici dans la mare d’or liquide, Où je me dissous au petit matin, Dans le gris et insensible repos tant mérité, Mais avant, je voudrai emplir mon cœur Du chant des noces boréales…
La fontaine
Je veux écrire, Je veux aimer, Je veux partir, Je veux flamber…
Et mon visage qui prend des rides, S’enflamme d’un moindre intérêt Le moi-aimant, Usé et défaillant, Dans le naufrage qui se poursuit, Dans le déluge qui s’annonce… Et mon regard qui se déleste De l’aventure qui se dénonce, Qui se nourrit du soi-disant, Du soi-faisant le monde…
Je veux lâcher, Je veux partir, Je veux baiser, Je veux mourir…
Mon corps qui part à la dérive, Et perd son rythme au ralenti, Constate que tout s’effondre, Et vit dans les débris Dans les ruines qui se confondent, Dans les mémoires ébahies, Où les amours se fondent…
Les combustibles de l’infini, Les carburants de la grande ronde Et la fusion pour la parade, Des jours passés au bord de la folie, Les pieds fondus dans la mélancolie, Les yeux crevés par le mépris, Combien de temps encore Dans les prisons de l’esprit ?
Je veux rêver, Je veux bâtir, Je veux semer, Je veux bénir !
Mon antre ne reçoit plus la nuit, Mon ventre ne voit plus le jour, La source qui m’emplit, Surgit telle la fontaine des pleurs…
Je ne suis triste que par bonheur Je ne suis gaie que par malheur Je n’ai raison que quand j’ai tort… Au fond de l’eau glacée il y a des pépites d’or… Qui plonge la tête - Se fait aimer des peurs, Qui plonge la main - Se fait manger des bêtes, Qui plonge le cœur - Se crée de jolies dettes…
Guérir avec ton ombre
Je n’ai qu’à marcher Entre les colonnes antiques, Je n’ai qu’à marcher Sur les places publiques, Toi, tu feras le reste, Tu feras le nécessaire, Je ne sais pas comment, Je ne sais pas pourquoi… Je n’ai qu’à rester debout, Toute la nuit, quand tu disparais, Quand tu t’en vas dans la totalité, Quand tu remplis les alentours, Quand je me crois seule, Si seule, attachée à mon arbre, L’arbre des ancêtres, Qui chante les rancœurs, les formules magiques, Celles qui enseignent l’humilité Et m'insèrent dans le corps nécessiteux… La nature qui va au-delà des mythes, A prévu pour nous un long chemin… Les pétales roses de mon arbre Se sont glissés sur mon seuil, La porte ouverte sur le deuil, J’observe le printemps… J’attends mon bel amour de tous les temps Qui va mourir et puis, renaître, Et qui fera de moi son troisième œil… J’attends son visage, ses mains et sa bouche … J’attends l’infini dans un être Qui dépassera tous les mots… J’attends la lueur de son cœur Et la sortie dans la sphère Où les corps se libèrent de leurs morts… La fumée monte, telle une prière, Et le chant se tarit dans les chœurs… Là où nous irons, tout est musique, Là, le mouvement s’arrête et la respiration se fige… Ce qui viendra à nous Sera une pure lumière… Et à notre retour dans le temps, Nous pourrons guérir avec nos ombres à terre, Même sur la terre en feu… Les malades, réels et imaginaires, Viendront à nous, Dans le cercle des âmes “perdues pour perdues”, Dans les corps de batailles révolues, Tous ces temps, tous ces temps, Dans le creux de ta main, mon Homme… Embrasse-moi, pose tes lèvres sur mes yeux, Entre en moi pour me donner une issue, L’issue à la source, Pour qu'enfin, je puisse aimer mon chemin De maux éventés… Les traces de mes pas brillent avant de se dissoudre… Je suis aimée de ton âme Et de ton corps, De ton sang et de ton souffle, Donne-moi seulement un peu de temps Pour voir notre jour se lever…
La Femme du Congo
D’où vient-elle ? D’un pays, ou d’une ville inconnue, Où les hommes du Sud et les hommes du Nord Ont appris à se battre, Et à se ranger dans les containers au fond du fleuve… Ce sont des héros invisibles de notre terrible théâtre, Qui jettent à la mort nos propres bébés métissés…
Ah, ces hommes du Sud et ces hommes du Nord, Dont me parle la Femme du Congo, Que font-ils à nos bords, Sur nos fronts, inscrits dans nos visages ?
La Femme du Congo, la fille et la mère du monde, L’origine et la terre promise, Paradis déserté des dieux, Tu n’as pas besoin de leur piètre bénédiction, Tu as tout dans ton cœur et dans ton ventre, Tu chantes tout ton mal, et l’on entend l’amour, Tu dis toute ta douleur, et l’on voit la lumière, Tu t’accouches par toi-même Et tu perds ton sang, Mais tu élèves tes enfants hors pair…
Et quand notre chemin croise ton pas mesuré, On s'arrête et on s’incline devant toi, Et, en guise de salutation ultime, On conserve ta trace indélébile dans notre mémoire… Car la Femme du Congo, La Femme de l'Afrique, Est la Mère de toutes les mères… Elle sourit avec tout son visage, Caresse avec tous ses gestes, Danse avec toute sa sagesse… Et quand elle ne peut plus danser Sous le poids de tous ces ravages, Elle le fait encore dans sa tête, Et quand elle ne peut plus faire ainsi, À cause de la pollution mentale, Infligée par les politiques, Dans la tempête intergalactique, Et dans le désert intersidéral, Sa voix retrouve encore Quelques moyens pour avancer, Au gré des montées et des descentes… Et elle va toujours de l’avant, Toujours plus loin et toujours plus haut, Vers son paisible foyer, Loin des tombes du Congo…